Choc émotionnel : un appel téléphonique anxiogène reconnu comme un accident du travail

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Le 10 mai 2025
Choc émotionnel : un appel téléphonique anxiogène reconnu comme un accident du travail
Dans un arrêt récent, la Cour d’appel de Toulouse (4e chambre, 13 mars 2025, n° 22/03293) a reconnu comme accident du travail le choc émotionnel subi par une salariée à la suite d’un appel téléphonique anxiogène de son employeur.

Une décision qui confirme l'évolution de la jurisprudence en matière de reconnaissance des troubles psychiques comme accidents du travail.

Définition de l’accident du travail

Selon l’article L.411-1 du Code de la sécurité sociale, est considéré comme un accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit pour un ou plusieurs employeurs.

La jurisprudence constante précise que :

  • L'accident du travail se caractérise par la soudaineté de l'événement, ce qui le distingue de la maladie professionnelle ;

  • Il doit survenir pendant l'exécution du contrat de travail (temps et lieu de travail) ;

  • Il doit entraîner une lésion (physique ou psychique).

Les faits : un appel téléphonique brutal et ses conséquences

Une salariée, en télétravail, reçoit un appel de son employeur pendant ses horaires de travail. Ce dernier lui annonce que son ancien manager — avec lequel elle avait connu un contentieux — va réintégrer son équipe.

Pourtant, le service des ressources humaines avait, après avis de la médecine du travail, veillé à ce qu’elle ne soit plus affectée dans le même service que lui.

Cette annonce entraîne immédiatement chez la salariée un état anxio-dépressif réactionnel, attesté médicalement. Elle est placée en arrêt de travail le jour même.

Rejet initial par la CPAM et la juridiction de premier degré :

La CPAM, la Commission de Recours Amiable (CRA), puis le tribunal judiciaire d’Agen refusent de reconnaître cet événement comme un accident du travail.

Revirement de la Cour d’appel de Toulouse

La Cour d’appel adopte une approche stricte des critères de l’accident du travail :

  • Le caractère soudain de la lésion est démontré par le lien immédiat entre l’appel et l’état anxio-dépressif diagnostiqué le jour même ;
  • L’accident est survenu pendant le temps de travail, en situation de télétravail, ce qui constitue bien le lieu du travail au sens de la législation.

La Cour a également pris en compte le témoignage de la mère de la salariée, qui vient confirmer l’intensité de l’angoisse déclenchée par la conversation.

Une jurisprudence cohérente

La position de la Cour d’appel de Toulouse s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation.

Par exemple :

  • Cass. 2e civ., 9 sept. 2021, n° 19-25.418 : reconnaissance d’un malaise survenu à la suite d'un entretien préalable à licenciement comme un accident du travail ;
  • Cass. 2e civ., 1er juill. 2003, n° 02-30576 : reconnaissance d'un accident du travail suite à une dépression nerveuse apparue soudainement deux jours après un entretien d'évaluation au cours duquel avait été notifié au salarié un changement d'affectation ;
  • Cass. 2e civ., 14 mars 2007, n° 05-21.090 : reconnaissance d’un accident du travail suite à une tentative de suicide, par une salariée, sur son lieu de travail en absorbant des médicaments, suite à un échange animé, entre la salariée et sa supérieure hiérarchique, dans un contexte de dégradation des conditions de travail.


Les lésions psychiques reconnues comme accident du travail : un tournant ?

Cet arrêt confirme une tendance jurisprudentielle à prendre davantage en compte les risques psychosociaux et les chocs émotionnels soudains dans la définition de l’accident du travail.

Il rappelle également aux employeurs leur obligation de sécurité de résultat, codifiée à l’article L.4121-1 du Code du travail, qui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

À retenir :

  • Une lésion psychique peut constituer une lésion au sens de l’article L.411-1 CSS si elle survient brutalement en lien direct avec le travail.
  • Le télétravail n’exclut pas le caractère professionnel de l’accident.
  • L’obligation de prévention des risques psychosociaux impose à l’employeur une vigilance accrue, notamment lors de réorganisations internes sensibles.

CA Toulouse, 4e ch. sect. 3, 13 mars 2025, n° 22/03293.