L’acquisition de droits à congés payés pendant un arrêt maladie

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Le 24 avril 2025
L’acquisition de droits à congés payés pendant un arrêt maladie
Est-ce qu'un salarié peut acquérir des congés payés pendant un arrêt maladie ? Avant la loi du 22 avril 2024, cela n'était pas possible. Désormais la loi du 22 avril 2024 change la donne, une révolution pour les salariés : Faisons le point ensemble.

Suite à l’avis du Conseil d’Etat du 11 mars 2024 et au projet d’amendement du Gouvernement du 15 mars 2024, les nouvelles règles légales sur l'acquisition de droit à congés payés pendant un arrêt maladie et sur la prise de ces congés, issues de la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024, sont en vigueur depuis le 24 avril 2024.

Pour rappel, le 13 septembre 2023, la Cour de cassation avait affirmé que certaines dispositions du code du travail en matière d’acquisition des congés payés étaient contraires au droit de l’Union européenne, procédant ainsi à une application directe du droit européen et écartant les dispositions du code du travail.

I.         Sur l’acquisition de congés payés pendant un arrêt maladie ou accident d’origine professionnelle ou non

 

1.1.       Sur l’acquisition des CP pendant l’arrêt maladie non professionnel :

Les périodes pendant lesquelles l’exécution du contrat est suspendue pour maladie ou accident d’origine non professionnelle sont assimilées à du temps de travail effectif pour la détermination de la durée du congé payé. (C. trav., art. L. 3141-5, mod.).

L’acquisition de congés payés sera limitée à 4 semaines par an (24 jours ouvrables), à raison de 2 jours ouvrables par mois (C. trav., art. L. 3141-5-1, créé) ; ce qui correspond au congé garanti par le droit européen.

 

Remarque : En application des règles d'équivalence (4 semaines de travail effectif ou 20 jours si l’horaire de travail est réparti sur 5 jours de la semaine, 24 jours si l’horaire de travail est réparti sur 6 jours de la semaine équivalent à un mois de travail), certaines absences, non assimilées à du travail effectif pour l'acquisition des congés payés, seront, in fine, sans incidence sur le droit à congés payés.

Exemple : Un salarié est absent pour maladie 4 semaines au cours de la période de référence. Il a donc travaillé 48 semaines (52-4), soit 12 "cycles" de 4 semaines (48/4), générant chacun 2,5 jours ouvrables. Ainsi, le droit à congés payés est entier 12 x 2,5 = 30 jours ouvrables.

 

1.2.       Sur l’acquisition des CP pendant l’arrêt maladie professionnel :

Les salariés en maladie d'origine professionnelle continueront à acquérir des congés payés, dans la limite de cinq semaines par an. En revanche, la limite stoppant l'acquisition de congés payés au bout d'un an est supprimée. (C. trav., art. L. 3141-5, mod.).

La suppression de la limite d'un an ne veut pas dire qu'il y a cumul des congés payés lorsque l'arrêt de travail est prolongé sur plusieurs années. En effet, les règles de report limitent ce cumul.

 

II.        Sur les modalités de prise du congé encadrées

2.2.       Obligation d'information de l'employeur

A l’issue d’une période d’arrêt de travail du salarié pour cause de maladie ou d’accident d'origine professionnelle ou non, l’employeur doit, à compter du 24 avril 2024, porter à la connaissance du salarié, dans le mois qui suit la reprise du travail, les informations suivantes (C. trav., art. L. 3141-19-3, créé) :

-        le nombre de jours de congé dont il dispose ;

-        la date jusqu'à laquelle ces jours de congé peuvent être pris.

Cette information s'effectue par tout moyen conférant date certaine à leur réception, notamment par le biais du bulletin de salaire (C. trav., art. L. 3141-19-3).

Sauf exceptions, c 'est à compter de cette information que commencera le délai de report pour le salarié qui n'aurait pas pu prendre tous ses congés avant la fin de la période légale ou conventionnelle de prise des congés du fait de son absence.

Le texte ne prévoit pas de durée d’absence minimale déclenchant l’obligation pour l’employeur de délivrer cette information. L'employeur est tenu d'informer le salarié à l'issue de tout arrêt de travail, quelle que soit sa durée, y compris semble-t-il si cette absence n'a pas d'impact, sur les droits à congés du fait de la règle d'équivalence prévue à l'article L. 3141-4.

2.3.       Sur le report des congés payés :

 

Le salarié bénéficie d’une période de report de quinze mois afin de pouvoir poser ses congés payés acquis (C.trav., art L. 3141-19-1, créé).

Au-delà de cette période de 15 mois, les congés seront perdus si le salarié ne les prend pas alors que l’employeur l’a informé et lui a demandé de les prendre.

Un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche pourrait fixer une durée de report supérieure.

Ce report, a contrario, ne vise pas le cas où l'arrêt de travail du salarié prend fin avant l'expiration de la période de prise des congés. Dans ce cas, le salarié doit être informé de ses droits à congés et doit les prendre avant la fin de la période de référence de prise des congés. 

Exemple : si la période de référence de prise des congés est la période légale (1er mai N/30 avril N+1) et que le salarié est en arrêt de travail du 1er janvier au 1er avril de l'année N+1, il devra prendre ses congés avant le 30 avril.

 

Un point de départ du report différent selon la situation

Le point de départ de la période de report de 15 mois varie selon la situation :

 

(i)  Congés payés acquis avant l’arrêt maladie : Le salarié n'a pas pu prendre tous ses congés payés en raison d'un arrêt maladie et revient avant la fin de la période de prise des CP :

 

  • Si l'employeur peut lui faire prendre les congés avant la fin de la période, il n'y a pas d'obligation légale d'informer le salarié car ce dernier aura soldé ses congés.

D'un point de vue opérationnel, il faudra fixer et communiquer la nouvelle date de prise des congés en respectant les procédures de fixation prévues par la loi ou vos dispositions conventionnelles (consultation du CSE, respect des délais, etc.).

  •  Si l'employeur ne peut pas les faire prendre avant la fin de la période, les congés devront être reportés de 15 mois.

 

Une information individuelle devra alors être communiquée au salarié, par exemple via le bulletin de paie, conformément au nouvel article L. 3141-19-3 du Code du travail.

Remarque : si au cours de la période d'acquisition, il y a eu plusieurs arrêts, il y aura autant d'informations et donc autant de délais de 15 mois. Autrement dit, les premières informations seront partiellement ou totalement périmées par les informations ultérieures. En pratique, il convient donc que les entreprises de logiciel de paie puissent créer des rubriques afférentes pour pouvoir suivre l’évolution des congés payés, afin de pouvoir en informer les salariés sur leur bulletin de paie.

(ii)    Congés payés acquis pendant un arrêt maladie de plus d’un an : Pour les salariés en arrêt maladie depuis plus d'un an à la fin de la période d’acquisition et dont le contrat continue d'être suspendu, le point de départ est la date de la fin de la période d'acquisition des congés payés concernée.

 

Ce serait donc le 1er jour de la période de référence suivante, soit le 1er juin de l'année N+1 dans les entreprises qui appliquent la période légale d'acquisition 1er juin-31 mai de l'année N.

Dans ces cas, deux situations sont possibles :

o   Si le salarié reprend le travail avant la fin de la période de report, la période de 15 mois est suspendue jusqu’à ce que le salarié ait reçu les informations désormais exigées lors de la reprise du travail (C. trav. art. L 3141-19-2, al. 2 nouveau).

o   Si le salarié est toujours en arrêt au terme de la période de report de 15 mois : les droits à congés payés seraient perdus sans qu’il n’y ait eu lieu d’informer le salarié)

 

Remarque : cette règle sur le point de départ dérogatoire du report évite le cumul des congés payés lorsque l'arrêt de travail excède un an. En effet, les droits à congés payés expirent au terme du délai de report de 15 mois même si le salarié continue d'être en arrêt de travail.

 

III.          Calcul de l'indemnité de congés payés

Pour le calcul de l’indemnité de congés payés selon la règle « du dixième », le salaire fictif des absences pour accident ou maladie non professionnels, selon l’horaire de travail de l’établissement, est pris en compte dans la limite de 80 % (c. trav., art. L. 3141-4 mod.).

L’indemnité de congés payés ne pouvant pas être inférieure au salaire que l’intéressé aurait perçu s’il avait travaillé, la règle du maintien de salaire pourrait donc s’avérer plus favorable que la règle du dixième.

IV.          Sur la prescription

Le délai dont disposera le salarié pour faire valoir en justice ses droits dépendra de sa présence au non dans l'entreprise au 24 avril 2024 :

 

  • si le salarié est présent dans l'entreprise au 24 avril 2024 : toute action ayant pour objet l’octroi de jours de congé au titre des arrêts maladie intervenus après le 1er décembre 2009 doit être introduite, à peine de forclusion, dans le délai de 2 ans à compter du 24 avril 2024, soit jusqu'au 23 avril 2026 minuit ;
  • si le salarié a quitté l'entreprise avant le 24 avril 2024, la prescription triennale de l’article L 3245-1 du Code du travail applicable aux créances salariales s’applique. Les salariés auraient 3 ans pour agir à compter de la rupture de leur contrat de travail.

 

En pratique, si le salarié réclame des jours de congés, il devrait lui appartenir d'apporter tous les éléments de preuve lui permettant d'établir la réalité de chaque absence par la production des arrêts de travail établis par les médecins, l'impact qu'a pu avoir chaque absence sur les congés effectivement acquis et le nombre de jours impactés dans la limite de deux jours mensuels/24 jours annuels compte tenu des jours effectivement acquis, par la production des bulletins de salaire.

En application de l'article 9 du Code de procédure civile, c'est au demandeur de justifier du bien-fondé de ses prétentions ; la réclamation portant sur le bénéfice d'un droit supposé n'entre pas dans le champ du dernier alinéa de l'article L. 1235-1 du Code du travail (selon lequel le doute profite au salarié) qui ne vaut que pour l'appréciation du motif du licenciement.

Puis, pour chaque période d'acquisition depuis décembre 2009 pendant laquelle le salarié a été en arrêt de travail, il faudrait déterminer le nombre de jours de congé qui ne lui ont pas été attribués et pour chaque mois/période d'acquisition, reconstituer ces jours non acquis dans les limites respectives de deux jours par mois/24 jours par période d'acquisition, compte tenu des jours qui ont effectivement été attribués au salarié au titre de chaque loi/période d'acquisition concernée.

Ces nouvelles règles vont avoir des conséquences importantes directs pour les salariés ou les employeurs.

Le Cabinet est à vos côtés pour vous accompagner au mieux dans la gestion de l'acquisition des congés payés pendant un arrêt maladie.

Forte d'une expérience de plus de 13 ans exclusivement dédiée au droit du travail, je vous propose un conseil juridique sur-mesure. 

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