Dans une série d’arrêts rendus le 11 mars 2025, la chambre sociale a affirmé que certains manquements de l’employeur ne donnent plus lieu, de manière automatique, à l’octroi de dommages et intérêts au salarié.
La preuve d’un préjudice distinct devient désormais indispensable dans plusieurs hypothèses, même en cas de manquement avéré de l’employeur.
Le salarié doit désormais prouver un préjudice personnel et distinct dans les cas suivants :
Deux décisions concernaient la situation des cadres au forfait jours, souvent au cœur des litiges relatifs à la charge de travail :
D’une part, l’absence de suivi de la charge de travail des salariés au forfait jours, en méconnaissance des stipulations issues de l’accord collectif l’instituant et des dispositions légales (C. trav., art. L. 3121-60, L. 3121-64 et L. 3121-65) ;
D’autre part, l’application d’un accord de forfait jours ne prévoyant pas de garanties suffisantes en matière de suivi de la charge de travail du salarié.
Dans ces deux cas, bien que les manquements aient été reconnus, les cours d’appel ont refusé d’accorder des dommages et intérêts, faute de preuve d’un préjudice spécifique.
La Cour de cassation valide cette analyse : le manquement de l’employeur à ses obligations en matière d’évaluation et de suivi effectif de la charge de travail des salariés en forfait jours n’ouvre pas de droit acquis à réparation.
La Cour rappelle que des sanctions légales existent déjà, notamment le paiement des heures supplémentaires. Le salarié dispose ainsi déjà d’un moyen d’action lui permettant d’obtenir une compensation en cas de manquement.
Cette évolution s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence initiée en 2016, qui avait déjà mis fin à la reconnaissance automatique du préjudice dans plusieurs domaines, obligeant le salarié à démontrer les conséquences concrètes du manquement subi.
Cependant, la théorie du préjudice nécessaire n'a pas totalement disparu. La Cour continue de la retenir dans certains cas où l’atteinte est jugée suffisamment grave pour justifier une réparation automatique. C’est notamment le cas pour :
Dans ces hypothèses, aucune preuve de préjudice distinct n’est exigée : le seul constat de la violation suffit à ouvrir droit à réparation.
Le risque de condamnation automatique diminue dans certaines situations. Néanmoins, la vigilance reste de mise, notamment en matière de santé au travail, de suivi des forfaits jours ou de gestion des congés.
Les cadres au forfait-jours, mais aussi d’autres salariés concernés, devront désormais étayer leurs demandes en apportant la preuve concrète du préjudice subi. Cela rend les contentieux potentiellement plus complexes à instruire, mais pas impossibles à gagner si le dossier est bien préparé.
Cette série d’arrêts marque une volonté claire de la Cour de cassation d’encadrer plus strictement la notion de réparation en droit social, en recherchant un équilibre entre les droits des salariés et la prévisibilité juridique pour les employeurs.
Il est donc important de rester informé de ces évolutions pour adapter les stratégies contentieuses et le conseil en conséquence.
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Cass. soc, 11 mars 2025, RG nº 21-23.557 ; Cass. soc, 11 mars 2025 RG nº 23-16.415 ; Cass. soc, 11 mars 2025 RG nº 24-10.452 ; Cass. soc, 11 mars 2025 RG nº 23-19.669