Retour sur un arrêt important de la Cour de cassation du 21 mai 2025
Lorsqu’un salarié souhaite contester son licenciement devant le conseil de prud’hommes, il doit agir dans un certain délai. Mais à partir de quelle date ce délai commence-t-il exactement ?
Un arrêt récent de la Cour de cassation (Cass. soc., 21 mai 2025, n° 24-10.009) vient clarifier ce point, avec des conséquences pratiques importantes pour les employeurs.
Selon l’article L. 1471-1, alinéa 2 du Code du travail :
« Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture. »
Mais que faut-il entendre par « notification » ? Est-ce la date d’envoi de la lettre de licenciement ? La date de première présentation ? Ou la date de réception effective par le salarié ?
Jusqu’à présent, l’interprétation n’était pas parfaitement tranchée.
La jurisprudence distinguait déjà plusieurs dates selon le type de licenciement :
En cas de licenciement pour cause réelle et sérieuse, c’est la date de première présentation du courrier recommandé qui faisait démarrer le préavis.
En cas de licenciement pour faute grave, la date d’envoi de la lettre pouvait être considérée comme la date de rupture du contrat (Cass. soc., 28 sept. 2022, n° 21-15.606).
Cependant, pour ce qui concerne le délai de prescription, les textes restaient ambigus et les employeurs pouvaient légitimement s’interroger.
Dans son arrêt du 21 mai 2025, la Cour de cassation tranche :
Elle fonde sa décision sur plusieurs textes du Code civil et du Code de procédure civile :
Article 668 du CPC : la notification est réputée faite à la réception de la lettre pour le destinataire ;
Articles 2228 et 2229 du Code civil : la prescription s’apprécie en jours et n’est acquise qu’une fois le dernier jour du délai accompli ;
Article 641 du CPC : « le jour de l’acte, de l’événement ou de la notification qui fait courir le délai ne compte pas ».
Lettre envoyée le 9 août 2019,
Reçue le 10 août 2019,
Délai commence le 11 août 2019 à 0h,
Action engagée le 10 août 2020 = non prescrite, donc recevable.
Cet arrêt apporte une certaine cohérence : on ne peut pas exiger d’un salarié qu’il conteste un licenciement dont il n’a pas encore eu connaissance.
Mais il soulève aussi des questions pratiques majeures pour les employeurs :
Que se passe-t-il si le salarié n’est pas présent lors de la première présentation du recommandé ?
Et s’il ne va jamais chercher son courrier à la Poste ? La prescription pourrait-elle ne jamais courir ?
Quelle preuve l’employeur doit-il conserver : l’envoi ? La première présentation ? La réception effective ?
La Cour de cassation ne précise pas si la « réception » s’entend de la première présentation ou du retrait effectif du courrier, ce qui crée un risque contentieux important si le salarié tarde — ou refuse — de récupérer son recommandé.
En tant qu’employeur, pour limiter les risques de contestation tardive, veillez à :
Suivre précisément l’acheminement de vos courriers recommandés (accusés de réception, suivi de La Poste),
Conserver la preuve de la première présentation postale en plus de la date d’envoi,
Intégrer un rappel clair sur les délais de recours dans la lettre de licenciement,
Anticiper les situations à risque (arrêt maladie, congés longue durée, refus de réception, etc.).
En tant qu’avocate en droit du travail, j’accompagne les employeurs dans la sécurisation de leurs procédures de rupture et la prévention des litiges.
Vous avez une question sur la notification ou le calcul des délais ? Contactez-moi.