Maladie pendant les congés payés : la Cour de cassation consacre le droit au report

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Le 26 septembre 2025
Maladie pendant les congés payés : la Cour de cassation consacre le droit au report
Maladie pendant les congés payés : la Cour de cassation consacre le droit au report des jours perdus, sous condition de notification à l’employeur.

Un tournant majeur en droit du travail

Le 10 septembre 2025, la Cour de cassation (Cass. soc., 10 septembre 2025, n° 23-22.732, FP-BR) a mis fin à près de trente ans de jurisprudence en reconnaissant au salarié tombant malade pendant ses congés payés le droit de reporter les jours de congé qui coïncident avec son arrêt de travail – à condition d’avoir notifié cet arrêt à son employeur.

Un revirement attendu

Jusqu’à présent, un salarié malade pendant ses vacances ne pouvait pas récupérer les jours perdus. La Haute juridiction considérait que l’employeur avait rempli son obligation en accordant le congé, et que la survenance d’une maladie n’y changeait rien.

Cette position, adoptée dès 1996 (Cass. soc. 4-12-1996 n°93-44.907), était régulièrement critiquée car contraire au droit de l’Union européenne, qui fait du droit au repos annuel un principe fondamental de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs.

La CJUE rappelle depuis plusieurs années que les congés payés et l’arrêt maladie n’ont pas la même finalité (CJUE 6-11-2018 aff. 569/16 et 570/16)  : le premier assure le repos et les loisirs, le second vise la guérison (CJCE 20-1-2009 aff. 350/06 ; CJCE 10-9-2009 aff. 277/08). Par conséquent, un salarié malade pendant ses congés doit pouvoir bénéficier ultérieurement des jours de repos qu’il n’a pas pu prendre (CJUE 21-6-2012 aff. 78/11).

La France avait même été mise en demeure par la Commission européenne en juin 2025 pour se conformer à ce principe.

A lire : Congés payés et arrêt maladie : vers une nouvelle (r)évolution du Code du travail ?

Désormais : un droit au report sous condition de notification

Par cet arrêt de septembre 2025, la Cour de cassation se conforme au droit européen :

  • si un salarié tombe malade pendant ses congés,
  • et qu’il transmet son arrêt de travail à l’employeur,

Alors les jours de congé chevauchant la période d’arrêt sont reportés et pourront être pris ultérieurement.

Autrement dit, l’arrêt maladie suspend le congé payé.

Quelles conséquences pratiques pour les employeurs ?

Cette évolution emporte plusieurs impacts immédiats :

  1. Gestion des congés : l’employeur doit recalculer le solde de congés payés et informer le salarié du nouveau reliquat disponible.
  2. Paie et indemnisation : si une indemnité de congés payés a déjà été versée, l’employeur peut être amené à régulariser le bulletin et, le cas échéant, réclamer le remboursement d’un trop-perçu.
  3. Contentieux possibles : des salariés ayant été malades pendant leurs congés dans le passé (et ayant notifié leur arrêt) pourraient revendiquer a posteriori leur droit au report.

Et si la maladie survient à l’étranger ?

  • Dans l’Union européenne ou dans un pays lié par convention internationale, l’arrêt établi par un médecin local peut être reconnu et ouvrir droit au report des congés.
  • Hors de ces cas, le salarié ne percevra pas d’indemnités journalières de la Sécurité sociale, mais pourra tout de même reporter ses congés s’il notifie l’arrêt à l’employeur.

Une application rétroactive et des questions en suspens

La décision s’applique immédiatement et rétroactivement, sous réserve de la prescription. Le salarié dont le contrat est en cours dispose d’un délai de 2 ans pour réclamer ses congés, tandis qu’en cas de rupture du contrat, il bénéficie d’un délai de 3 ans.

De nombreuses interrogations restent ouvertes :

  • quid des jours de RTT ou de récupération ?
  • comment articuler le maintien de salaire, les indemnités journalières et l’indemnité de congé payé déjà versée ?
  • jusqu’où l’employeur pourra-t-il récupérer les trop-perçus ?

Ces questions feront l’objet de précisions par les juridictions du fond dans les prochains mois.

En résumé : la Cour de cassation reconnaît désormais le droit au report des congés payés en cas de maladie survenue pendant les vacances, dès lors que l’arrêt est notifié à l’employeur. Cette nouvelle position aligne la France sur le droit européen mais ouvre aussi la voie à de nouveaux enjeux pour les employeurs comme pour les salariés.

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Article rédigé le 26 septembre 2025 – Dernière mise à jour juridique