Congés payés et arrêt maladie : vers une nouvelle (r)évolution du Code du travail ?

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Le 03 juillet 2025
Congés payés et arrêt maladie : vers une nouvelle (r)évolution du Code du travail ?
Contrainte par la Commission européenne, la France doit permettre aux salariés malades pendant leurs vacances de reporter leurs congés. Décryptage.

Maladie pendant les congés payés : la France sommée de réformer son droit du travail

Le 18 juin 2025, la Commission européenne a adressé à la France une lettre de mise en demeure : notre droit n’autorise toujours pas le report des congés payés lorsqu’un salarié tombe malade pendant ses vacances.

Cette procédure d’infraction – première étape avant un éventuel renvoi devant la CJUE – ouvre un compte à rebours de deux mois pour que le législateur français se conforme à la législation européenne.

Ce rappel à l’ordre survient un peu plus d’un an après l’entrée en vigueur de la loi du 22 avril 2024, qui a amorcé une mise en conformité du droit français avec les exigences européennes.

L’évolution législative semble donc inévitable.

1. Le rappel à l’ordre européen : quels griefs ?

Depuis 2003, la directive 2003/88/CE impose aux États membres de garantir à chaque travailleur un droit à quatre semaines de congés payés effectifs par an. Ce droit est considéré comme fondamental en matière de santé et de sécurité.

La jurisprudence constante de la CJUE, notamment les arrêts Schultz-Hoff (20 janvier 2009, C-350/06 et C-520/06) et Anged (21 juin 2012, C-78/11), rappelle que la survenue d’une maladie, même pendant une période de congé, ne peut priver un salarié de son droit au repos.

Concrètement, cela signifie que les jours de congés chevauchant une période d’arrêt maladie doivent être automatiquement reportés à une date ultérieure.

En droit français, il n’existe aujourd’hui aucune règle équivalente. Si un salarié tombe malade avant ses congés, il peut en demander le report.

En revanche, s’il tombe malade pendant ses vacances, ces jours sont considérés comme pris – ils ne peuvent être récupérés, sauf clause conventionnelle plus favorable.

Cette lacune place donc la France en contradiction directe avec le droit de l’Union.

2. Une réforme déjà amorcée en 2024… mais incomplète

La loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 avait déjà conduit à une évolution importante du Code du travail. Elle permet désormais l’acquisition de congés payés pendant un arrêt maladie, y compris non professionnel. Concrètement, les salariés acquièrent deux jours ouvrables par mois d’arrêt, dans la limite de 24 jours par an, et ce, même s’ils sont absents toute l’année. En cas d’arrêt pour maladie ou accident d’origine professionnelle, le droit antérieur est maintenu : 2,5 jours ouvrables par mois, soit 30 jours par an.

Cette loi a introduit un mécanisme de report automatique des congés payés non pris à cause d’une maladie. Ce report est de 15 mois à compter de la reprise du travail ou, pour les très longues absences, de la fin de la période d’acquisition. Pour que ce droit s’exerce pleinement, l’employeur doit informer le salarié, dans le mois suivant son retour, du nombre de jours acquis et de la date limite pour les prendre.

Mais cette réforme, aussi importante soit-elle, ne règle pas la situation du salarié qui tombe malade pendant ses congés. C’est précisément ce que la Commission européenne reproche aujourd’hui à la France.

A lire : L’acquisition de droits à congés payés pendant un arrêt maladie

3. Une évolution législative désormais inévitable

La lettre de mise en demeure ouvre un délai de deux mois, soit jusqu’au 18 août 2025, pour que la France se conforme au droit de l’Union. À défaut, la Commission pourra émettre un avis motivé, puis saisir la CJUE. Cette dernière pourrait alors condamner la France à une amende et à une astreinte journalière jusqu’à l’adoption d’un texte conforme.

Dans ce contexte, une nouvelle réforme législative semble inéluctable. Il est probable que le gouvernement dépose, dès l’automne 2025, un projet de loi ou un amendement au sein du prochain budget de la Sécurité sociale (PLFSS 2026) pour instaurer un droit au report des congés perdus pendant une maladie. Ce dispositif pourrait s’appuyer sur le modèle déjà mis en place en 2024 : maintien de la période de report de 15 mois, obligation d’information de l’employeur et mise en conformité des logiciels de paie.

Il n’est pas non plus exclu que la Cour de cassation anticipe et fasse évoluer sa jurisprudence pour aligner le droit interne sur celui de l’Union. Une telle décision pourrait avoir un effet direct, sans attendre un nouveau texte.

4. Quels impacts concrets pour les employeurs ?

À court terme, cette évolution va nécessairement impacter les employeurs, et ces derniers devront être prêts et anticiper cette nouvelle évolution législative ou jurisprudentielle.

Prenez le temps de réaliser une provision budgétaire pour intégrer la recrudescence potentielle d’indemnités de congés.

5. FAQ express

Qui est concerné ?

Tous les salariés du privé, CDI comme CDD, temps plein ou partiel.

La règle s’appliquera‑t‑elle rétroactivement ?

La CJUE impose un effet direct ; toutefois, le législateur pourrait limiter la rétroactivité (prescription de 3 ans pour les salariés sortis des effectifs, 2 ans pour ceux encore présents, sur le modèle de la loi 2024‑364).

 

Conclusion

Alors que la loi du 22 avril 2024 n’est pas encore pleinement maîtrisée par les entreprises, la France se trouve déjà contrainte d’aller plus loin pour se conformer au droit européen.

La question du report des congés payés en cas de maladie pendant les congés payés devrait donc faire l’objet d’une réforme dans les prochains mois.

Les employeurs ont tout intérêt à anticiper cette évolution, à sécuriser leurs pratiques et à rester attentifs aux annonces gouvernementales d’ici l’automne.

Article rédigé le 30 juin 2025 – Dernière mise à jour juridique : mise en demeure de la Commission européenne du 18 juin 2025.