Un arrêt récent de la Cour administrative d'appel de Versailles (8 avril 2025, n°23VE01078) clarifie le périmètre d'intervention de l'inspecteur du travail lors du licenciement d'un salarié protégé déclaré inapte. Découvrez les implications pratiques de cette jurisprudence et ses conséquences sur la procédure de licenciement pour inaptitude.
Introduction
La gestion de l'inaptitude d'un salarié protégé constitue un défi majeur pour les employeurs. Entre le respect des prérogatives des représentants du personnel et la nécessité de prendre en compte les contraintes médicales, les entreprises doivent naviguer dans un cadre juridique complexe. Une récente décision de la Cour administrative d'appel de Versailles apporte des clarifications importantes sur les limites du contrôle exercé par l'inspecteur du travail dans ce contexte.
Contexte juridique de l'affaire
Dans cette affaire jugée le 8 avril 2025 (n°23VE01078), un représentant du personnel avait été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail. L'avis médical précisait expressément que l'état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi. Sur cette base, l'employeur avait sollicité et obtenu l'autorisation administrative de licencier ce salarié protégé, sans rechercher de poste de reclassement.
Le salarié contestait à la fois la régularité de l'avis d'inaptitude et la décision de l'inspecteur du travail devant le juge administratif, estimant notamment que ses capacités résiduelles auraient pu lui permettre de continuer à travailler dans l'entreprise moyennant une formation ou un aménagement de poste.
La cour administrative d'appel confirme dans sa décision que la dispense de recherche de reclassement s'applique également aux salariés protégés. Cette position s'inscrit dans la continuité de la jurisprudence judiciaire (Cass. soc. 8 février 2023 n°21-19.232 FS-B ; Cass. soc. 12 juin 2024 n°23-13.522 F-B).
Concrètement, lorsque le médecin du travail indique expressément dans son avis d'inaptitude que :
En application des articles L.1226-2-1 ou L.1226-12 du Code du travail, l'employeur est alors dispensé de rechercher un emploi de reclassement.
L'un des apports majeurs de cette décision est la précision apportée sur le périmètre du contrôle exercé par l'inspecteur du travail. La cour administrative d'appel de Versailles juge que dès lors que l'employeur a bien été dispensé de rechercher un reclassement pour le salarié, l'inspecteur du travail n'a pas à contrôler ce point ni à le mentionner dans sa décision d'autorisation administrative de licenciement.
Néanmoins, l'inspecteur du travail conserve un rôle de contrôle sur la teneur de l'avis d'inaptitude. Il doit s'assurer que :
Par exemple, si l'avis d'inaptitude restreint la dispense à l'entreprise alors que celle-ci appartient à un groupe, l'employeur ne peut pas se considérer comme totalement dispensé de reclassement (Cass. soc. 13 décembre 2023 n°22-19.603 F-B). Dans ce cas, l'inspecteur du travail devra contrôler les efforts de reclassement de l'employeur et, en l'absence de tels efforts, refuser d'autoriser le licenciement.
Le second apport important de cette décision concerne la contestation de la régularité de l'avis d'inaptitude. La cour administrative d'appel confirme que l'inspecteur du travail n'a pas compétence pour contrôler les modalités de constatation de l'inaptitude.
Si le salarié ou l'employeur estime qu'une irrégularité a été commise dans l'établissement de l'avis d'inaptitude, il doit saisir le conseil de prud'hommes dans le cadre de la procédure de recours prévue par l'article L.4624-7 du Code du travail. En d'autres termes, la contestation de la légitimité médicale de l'inaptitude relève exclusivement de la compétence du juge judiciaire, et non de l'inspecteur du travail.
Une rupture avec la doctrine administrative ?
Cette position jurisprudentielle semble s'écarter de la doctrine administrative sur cette question. Selon le Guide DGT de décembre 2021 (fiche 9 n°1.2.2), l'administration considérait que si un recours était formé devant le conseil de prud'hommes contre l'avis d'inaptitude, l'inspecteur du travail devait rejeter la demande d'autorisation de licenciement et inviter l'employeur à présenter une nouvelle demande une fois que le conseil de prud'hommes aurait statué.
La position de la Cour administrative d'appel de Versailles s'aligne davantage sur la jurisprudence de la Cour de cassation qui juge, à propos des salariés non protégés inaptes, que l'employeur peut procéder au licenciement sans attendre l'issue du recours devant le juge prud'homal (Cass. soc. 19 mars 2025 n°23-19.813 FS-B).
Conséquences pratiques pour les employeurs
Cette décision présente plusieurs avantages pratiques pour les employeurs confrontés à la gestion de l'inaptitude d'un salarié protégé :
Face à une situation d'inaptitude d'un salarié protégé, nous recommandons aux employeurs de :
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Maître Aurélie Ricard, avocate à Toulouse et dans les villes voisines de Balma et Blagnac, exerce exclusivement en droit du travail et met aujourd'hui son expertise au service des salariés et employeurs de la région toulousaine.
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